Optimiser son Newton et réussir le pari gagnant d’imager avec un capteur numérique 36×36

Je tiens à vous faire partager mon expérience de transformation et d’optimisation d’un télescope Newton de 400mm. En théorie, cela partait mal car comment arriver à faire tenir 9 Kg de système d’imagerie complexe sur le coté d’un tube de 400mm sans problèmes de flexions mécaniques.

Le projet

En 2010 j’ai eu le projet de gérer 3 systèmes d’imagerie. Deux sur place à l’observatoire d’Orange avec une TEC140 de focale 985mm et une FSQ106 avec une focale de 530mm.

Un troisième système d’imagerie est installé en remote à l’observatoire SIRENE dans le Vaucluse (Parc du Lubéron). Le projet était de remplacer la FSQ106 avec sa petite focale et de la remplacer par un instrument de focale plus grande proche de 1500 mm . Le but est d’imager avec le même capteur 36×36 KAF16803 sur les 3 installations.

En novembre 2010 je parcours les exposants des « Rencontres du Ciel et de l’Espace » et commence à faire mes recherches d’un système très ouvert, d’un grand diamètre et d’un coût supportable pour mon budget. Je recherche une formule optique simple et surtout un astrographe capable de supporter la taille de mon capteur ce qui réduit considérablement les prétendants à l’époque.

Plusieurs choix s’offrent à moi et plus particulièrement le très attirant AP300 F/D 3,8 formule Riccardi Honders mais le rapport budget/diamètre est trop élevé pour moi et la focale est trop proche de la TEC140.

Mon choix se porte sur un Newton avec sa formule optique « simple » et surtout une grande capacité à « bricoler ».

Reste à choisir un modèle et une marque sérieuse qui a un peu de recul et d’expérience sur des gros diamètres. Mes choix se font sur deux marques concurrentes et Européennes (les US deviennent trop chers avec l’euro faible) :

  • ASA
  • Orion Optics

Ce qui va faire pencher la balance c’est le choix d’un backfocus proche de 80mm permettant de placer un système de guidage avec diviseur optique et ainsi d’éviter toute flexion différentielle lors du guidage. ASA propose un correcteur avec un backfocus de 54 mm obligeant à monter un système de guidage parallèle. J’avais déjà eu une mauvaise expérience de guidage parallèle avec la TEC140 et avais vite abandonné ce système au profit du guidage avec diviseur optique. Je tenais absolument à ce que mes 3 systèmes d’imagerie soient tous guidés de la même manière pour des raisons pratiques évidentes.

D’autres fabricants de Newton proposent également des correcteur Wynne avec des backfocus de 79mm mais ceux-ci sont aux US et les tarifs deviennent vite excessifs. (Dreamtelescope et AG Optical System).

Sur le site d’Orion Optics la documentation sur le modèle AG16 est assez bien faite sauf pour les images de référence faites avec. C’est peu dire ; un certain Rodger BANKS utilise ce télescope et une Proline 16803 et il n’y a qu’une seule image sur le site : http://www.orionoptics.co.uk/CGI/AG16/Pelican_HST.jpg

Autant dire que la confiance est toute relative eut égard à cette qualité d’image somme toute perfectible. Par contre sur cette image de référence la correction de courbure de champs est assez bien faite.

Je commande donc mon télescope chez Orion Optics, il s’agit d’un Newton modèle AG16 de 400mm et ouvert à 3,8 pour un prix très raisonnable.

Orion Optics propose en option un focuser FLI Atlas et j’en profite pour le commander avec sachant de toute manière que seul cet accessoire me permettrait de m’en sortir avec la mise au point sur un setup d’imagerie aussi lourd !

Je passe ici dans cet article les délais de fabrication très connus de la marque, on attend…on attend…on attend ! Mais finalement c’est pareil avec tous les fabricants de télescopes.

Donc 1 an après avoir passé commande je reçois mon télescope avec l’Atlas Focuser. Là où je pouvais penser que tout allait commencer pour le mieux, les problèmes sont survenus.

Les anneaux

Les anneaux de fixation d’origine sont sous dimensionnés et assez mal conçus car ceux-ci ne sont pas complètement ronds et n’assurent pas une fixation correcte du tube sur la monture.

J’ai donc commandé chez mon ami Didier Chaplain (SkyMeca) une toute nouvelle mountplate et de nouveaux anneaux plus solides.

Le travail est remarquable et l’ensemble solide comme un roc ! Les anneaux et la plaque « Mountplate » sont évidés afin d’alléger le tout.

Gestion de la température du miroir au cours de la nuit

3 ventilateurs sont fixés à l’arrière du barillet et aspire l’air ambiant depuis le miroir vers l’extérieur du tube (coté arrière).

Les 3 ventilateurs fonctionnent à 100% toute la nuit et évitent les effets de cheminée à l’intérieur du tube. A ce jour je ne vois pas de différence de guidage avec ou sans ventilateurs en marche.

Miroir primaire posé sur son barillet sans contrainte mécanique et stable

C’est le point faible de la plupart des télescopes mais les Newtons souffrent encore plus de ce défaut mécanique.

Je ne suis pas un expert pour analyser le barillet Orion Optics mais ce que je peux dire c’est que le miroir manque encore de stabilité mécanique et subit encore quelques décollimations lors de changements de température mais ceci reste très rare et la collimation avec le Cateyes est assez rapide et peut se faire en plein jour.

Le miroir primaire

Dès les premières images je n’ai jamais été satisfait de la qualité et surtout au niveau de la forme des étoiles qui n’étaient jamais rondes.

Il m’a fallu quelques séances d’imagerie pour comprendre que le problème venait du miroir primaire et qu’il souffrait d’un astigmatisme assez prononcé. Le problème de l’astigmatisme c’est qu’il peut venir de différentes sources :

  1. Soit une déformation du miroir primaire lors de sa fabrication, ceci est assez courant dans le cas des grands miroirs.
  2. Soit un miroir secondaire déformé par différentes tensions
  3. Soit du correcteur avec des lentilles trop contraintes.

La méthode la plus simple pour savoir quel élément est à l’origine du problème est de faire différentes images et à chaque série d’image de tourner un des 3 éléments optiques.

Seul le miroir secondaire est difficile à tourner mais par déduction si les deux autres éléments ne sont pas en cause on en déduit qu’il s’agit du miroir secondaire qui a un problème.

Si le défaut suit la rotation de l’élément tourné c’est celui-ci qui est en cause. Il a vite été conclu qu’il s’agissait du miroir primaire.

Trois solutions s’offraient à moi :

  1. Le garder et faire avec, ce qui était inconcevable
  2. Le faire repolir mais avec un risque de résultat décevant
  3. Le changer mais au détriment du budget qui en prend un coup.

J’ai décidé de le remplacer et j’ai choisi la société SkyVision et je dois dire que je suis très satisfait du nouveau miroir que j’ai reçu 4 mois plus tard. L’effet goutte d’eau sur les étoiles a disparu mais j’ai également pu observer un meilleur contraste grâce à un meilleur polissage de l’état de surface. Le piqué est également bien meilleur. J’en conclu sur cette partie optique qu’un bon miroir fait la différence même en ciel profond et en poses longues contrairement à ce que pourraient affirmer certains.

Maintenir le miroir secondaire au sec toute la nuit

Le miroir secondaire peut vite devenir opaque à cause de la rosée ou du givre. Des résistances chauffantes Kendricks ont été ajoutées à l’arrière du miroir et sont maintenues à 100% de leur puissance.

Trouver un compromis de champs de pleine lumière pour un vignetage raisonnable

Le champs de pleine lumière est un peu limite pour le capteur KAF16803. C’est encore à ce jour un point faible à améliorer. Le correcteur 3 pouces semble juste pour illuminer le capteur 36×36 sur toute sa surface car je suis à 40% de perte de lumière en bord de capteur et assez rapidement je reviens autour des 80% sur le centre. Il semble que le correcteur 4 pouces soit mieux adapté à ce capteur avec seulement 20% de perte en bord de capteur.

Par contre le diamètre du miroir secondaire de 130mm est très bien adapté pour obtenir un champs de pleine lumière efficace.

 

Maintenir une courbure de champs acceptable pour un grand capteur

Théoriquement la courbure de champs du miroir primaire devrait être largement corrigée grâce au correcteur Wynne Orion Optics 3 ». En pratique on s’aperçoit que si la collimation, la mise au point ou le seeing (état de la turbulence) ne sont pas parfaits celle-ci devient fâcheusement visible sur les images.

Le correcteur Wynne permet en partie de corriger la courbure mais il faut placer scrupuleusement le correcteur à 79mm du capteur CCD (0,5mm de degré de tolérance) et si vous déduisez l’épaisseur de la bague du correcteur cette distance diminue à 77,5mm.

Gestion du porte à faux du porte oculaire

C’est en général le maillon faible du Newton, Orion Optics n’a pas dérogé à la règle car leur porte oculaire d’origine est calculé pour supporter 4 Kg maximum alors que l’ensemble du train d’imagerie est de 9Kg environ. Il a fallu repenser complètement l’ensemble pour que quelle que soit la position du télescope il n’y ait aucune flexion du porte oculaire par rapport au tube.

Par contre Orion Optics a très bien fabriqué son araignée, celle-ci ne bouge absolument pas car très solide.

Avec Didier Chaplain (SkyMeca) nous avons ajouté une plaque de renfort intérieure qui épouse la courbure du tube et qui plaque le porte oculaire contre le tube carbone et évite de le vriller.

Ensuite le porte oculaire a été renforcé latéralement grâce aux deux anneaux d’origine Orion Optics. Le porte oculaire a été fixé aux deux anneaux par 4 vis latérales.Orion-Optics n’a pas suffisamment anticipé les contraintes mécaniques d’un Newton. En fait ce fabricant est plus soucieux des problèmes optiques que mécaniques.Lors de l’arrivée du télescope on en paye tout de suite les conséquences avec un montage mécanique du porte oculaire très mal pensé et pas du tout adapté à de gros capteurs numériques.

Le système coulissant dans lequel se fixe le correcteur Wynne est trop long et trop imprécis. Trop long car la mise au point ne peut pas se faire, le tirage est trop long même si le correcteur est complètement enfoncé dans cette bague. Première erreur, Il faudra le couper ! de plus les vis en téflon créent du jeu à l’intérieur de la bague et le poids de l’ensemble fait fléchir la caméra dans toutes les positions. Pire, ces 3 vis en téflon tiennent tout l’ensemble d’imagerie avec une probabilité risquée d’une chute au sol !

Le nouveau système du train d’imagerie

Avec Didier Chaplain de la société SkyMeca nous avons longuement médité sur un système d’imagerie avec guidage interne par diviseur optique. Ce système se devait d’être aussi rigide que possible et également de respecter le backfocus imposé par Orion Optics pour son correcteur Wynne 3 pouces.Afin d’éviter des flexions et tensions sur le correcteur Wynne, il a été conçu une grosse bague qui intègre le correcteur et qui est fixée dans le focuser FLI Atlas. Ce qui fait que le correcteur Wynne est uniquement fixé sur le coté de la caméra Moravian et repose libre dans la grosse bague et traverse le focuser Atlas.

Pare lumière

La position du correcteur dans le tube peut poser quelques soucis de reflets car celui est très proche du bord extérieur du tube carbone et une lumière parasite peut facilement entrer à travers le correcteur.

Il est vraiment dommage que Orion Optics ne vende pas cet accessoire en série. Depuis l’installation de cet accessoire le fond du ciel est plus homogène et imager avec la lune présente dans le ciel est encore possible.

Conclusion

De nos jours il existe sur le marché toutes sortes de télescopes et finalement la formule Newton reste pour les gros diamètres le meilleur compromis.

Si vous recherchez aujourd’hui un gros diamètre de bonne qualité et prêt à l’emploi alors passez votre chemin ou attendez encore quelques années afin de trouver le bon fabricant au meilleur prix ! Ou alors faites comme moi et profitez de mon expérience qui aura, malgré moi, été très enrichissante et instructive.

Finalement ce télescope est un hybride à base d’orion Optics, de SkyMeca et de SkyVision.Je tiens à remercier Mickaël Cottier, Didier Chaplain et Marc Durey pour leur aide précieuse.

Nicolas Outters